E-commerce au Québec, données et stratégies | AMQ

Lisez le retour sur le déjeuner stratégique où Alain Dumas, directeur général du Panier bleu, s’est exprimé sur la consolidation efficace du commerce en ligne et du commerce au détail.

Alain Dumas discute consolidation du commerce en ligne et commerce au détail lors de notre dernier déjeuner-conférence

Optionnel bien qu’en émergence depuis plusieurs années, le commerce en ligne est maintenant offert — et souvent « vendu » — aux commerçants du Québec comme une solution miracle, contexte pandémique oblige, et comme une voie incontournable à l’avenir. Qu’en est-il au juste?

S’ajoute à cela l’impératif d’achat local, également est en vogue, et que le Gouvernement du Québec s’est fait un promoteur important. Mais le e-commerce est- il toujours plus écologique ou plus profitable pour les détaillants? Contribue-t-il réellement à faire en sorte que nous achetions des produits québécois ou que nous encouragions davantage des entreprises d’ici?

La réalité du commerce de détail est complexe et nuancée. Les solutions toutes faites ne sont pas les meilleures et les stratégies de maillage (commerces traditionnels et en ligne) semblent plus efficaces. C’est du moins l’avis de Monsieur Alain Dumas, DG au Panier bleu, que l’AMQ a eu la chance de recevoir dans le cadre de ses déjeuners stratégiques.

Voyez ci-dessous ce qui a été discuté lors du déjeuner stratégique du 26 octobre dernier.

Le commerce de détail au-devant de la scène… québécoise

Pour Alain Dumas, pionnier du commerce en ligne dans le secteur alimentaire québécois (IGA, Sobey’s), la pandémie de COVID-19 n’a pas uniquement eu comme effet d’enrayer temporairement presque tout le commerce de détail. Elle a aussi fait prendre conscience aux gens et aux décideurs de l’importance de ce secteur (traditionnellement peu subventionné) dans l’économie québécoise. Médias, transports, logistique, publicitaires, etc., ont tous été touchés par la « fermeture des commerces », et, en réaction, une nouvelle solidarité s’est créée, une foule de petites organisations ont été mises sur pied. Ce qui a été positif.

Ce dynamisme inédit a évidemment aussi pris la forme d’un engouement pour le commerce en ligne, nombre de détaillants croyant possible de s’y faire une place malgré les géants du secteur. Un dynamisme que le lancement par le Gouvernement du Québec du Panier bleu a stimulé, tout en créant chez les consommateurs d’ici des attentes élevées en termes d’accessibilité, de livraison, de choix…

Or Le Panier bleu, précise Alain Dumas, voulait avant tout sensibiliser les consommateurs à encourager leurs petits commerces de quartier. À cette fin, une convergence des grandes associations du commerce de détail a été encouragée, des chantiers portant sur l’avenir du commerce au détail ont été démarrés, un agrégateur d’inventaire de commerçants québécois a été réalisé et, surtout, beaucoup « de terrain » a été fait afin de prendre le pouls de la réalité vécue par les commerçants de partout au Québec.

Une volonté d’encourager, une habitude décourageante

Avant toute chose, fait remarquer Alain Dumas, il y a le paradoxe des consommateurs qu’il faut noter. En effet, si 82% des adultes québécois se disent prêts à faire des efforts pour « acheter québécois », dans la réalité, les trois sites commerciaux d’achat en ligne qu’ils utilisent le plus souvent annuellement sont dans 80% des cas soit américains, soit chinois. Des sites, évidemment, qui ne privilégient pas nécessairement les produits d’ici. Un tel paradoxe s’explique par une habitude de consommation déjà ancrée, chose compréhensible étant donné l’avance en termes d’infrastructures informatique, logistique et de livraison prise par des géants comme Amazon, par exemple.

Ainsi, 70% des achats en ligne faits ici se concrétisent par l’intermédiaire de plateformes et d’entreprises de e-commerce qui ne sont pas québécoises. Cela représente 9 milliards $ annuellement qui sortent du réseau des commerçants québécois.

Des commerçants face au mur numérique

Les huit grands chantiers propulsés par Monsieur Dumas et son équipe ont accouché de rapports sectoriels. Leurs conclusions peuvent surprendre. Par exemple :

  • la plupart de nos commerçants ne voient pas de retour sur l’investissement à la suite de leurs efforts faits à numériser (virtualiser) leur commerce;
  • sauf exception, ils manquent d’expertise et de ressources techniques;
  • s’ils parviennent à « exister sur le Web », en retour leur visibilité est très relative puisqu’ils sont noyés dans un océan de millions de commerces;
  • l’effort de gestion était tolérable durant la pause pandémique, mais avec la réouverture des commerces réels, gérer de front deux structures leur est devenu pénible;
  • plusieurs se désintéressent progressivement du Web pour vendre leurs produits.

Changer le discours narratif

Le commerce numérique a son importance, ses avantages, mais il a également ses contraintes, ses exigences. L’achalandage en ligne, ça se paye! Du reste, ce type de commerce ne doit pas être vu comme une fatalité pour tous. Au Gouvernement et ailleurs, précise Monsieur Dumas, beaucoup d’efforts ont été mis pour vanter les sites transactionnels, mais il ne faut pas faire porter le débat que sur leur nécessité. Il y a un Salut hors du commerce virtuel! D’autant que, quand les commerçants québécois commencent leurs activités en ligne, ils sont souvent confrontés à des consommateurs biaisés dans leur perception de ce service et très critiques, ce qui a pour effet d’exiger des commerçants beaucoup d’efforts, et de les confronter à une réalité comptable moins euphorisante qu’annoncée par les chantres du tout-au-numérique.

D’ailleurs, des études réalisées avant la pandémie (une de KPMG en 2017, par ex.) avaient montré que les marges bénéficiaires étaient loin d’exploser avec le passage à l’e-commerce, notamment dans le domaine du vêtement.

Des solutions adaptées pour chacun et une mise en commun des ressources

Le commerce en ligne permet de fidéliser la clientèle, nul doute là-dessus; il devient ainsi une dépense marketing. Par conséquent, inutile de tout mettre ses œufs dans le panier du numérique. Et surtout, pour Alain Dumas, chaque commerçant devrait pouvoir bénéficier de conseils et d’une structure Web de vente adaptée à son niveau de maturité numérique. Car tous ne sont pas égaux à ce niveau. Sur les 37,000 commerçants que compte environ le Québec, 52% ne possèdent pas un service d’achat en ligne; 67% démontrent une maturité numérique de niveaux 0 à 2, 27% de niveaux 3 et 4 et 6% seulement de niveau 5 (sur 5).

Dès lors, il est contre-productif de vouloir faire aller le commerçant trop vite dans son passage au commerce en ligne, quand cela est pertinent de le faire. Chacun doit d’abord se poser les bonnes questions, par exemple : suis-je moins compétitif parce que traditionnel? Est-ce que je veux rejoindre une clientèle de proximité avant tout? Quel sera l’impact d’un service de vente en ligne sur ma boutique réelle? Etc. Il faut avoir de bonnes raisons pour migrer au numérique et si tel est le cas, il importe que la stratégie de vente en ligne vienne appuyer (soit alignée sur) celle du commerce « concret ».

L’essentiel, bref, c’est de créer de la valeur, ce qu’un maillage judicieux des deux types de vente (en ligne et traditionnelles) peut assurer. De plus, selon Monsieur Dumas, une solution viable est de décharger le commerçant de certaines tâches et contraintes liées au commerce en ligne. Inutile de l’obliger de tout supporter, d’avoir une plateforme complète (e-commerce).

Cela est possible en créant un modèle d’affaires qui intègre les compétences de tous les acteurs du secteur de la vente en ligne (gestion des données personnelles, efficacité logistique, relations avec les manufacturiers, etc.) et qui oriente ces compétences vers un but commun : l’achat en ligne de proximité dans le cadre d’un « écosystème de commerce électronique ».

Attention donc au one-size-fits-all et aux ambitions démesurées. Le commerce en ligne a sa face cachée… et il peut devenir un boulet si mal « enligné ».

Si vous avez manqué ce rendez-vous percutant sur le data, sachez que l’AMQ organise des midi-conférences, des déjeuners et 5@7 stratégiques, et plusieurs sommets tout au long de l’année. Notre prochaine activité se déroulera le mardi 23 novembre à l’occasion d’un sommet qui s’intitulera « Le marketing élevé grâce au data et à l’analytique ». Consultez nos médias sociaux ou notre site web pour en savoir plus.